LES OISEAUX EN JOAILLERIE

LA SYMBOLIQUE DERRIERE LES PIERRES

Créatures délicates et lumineuses, liens entre ciel et terre, les oiseaux provoquent depuis toujours l’émerveillement. Aussi, nul étonnant qu’ils soient magnifiés en joaillerie.

Peuplant notre univers tout comme notre imaginaire, ces sublimes créatures sont une source inépuisable d’inspiration. Elles nous enchantent, que ce soit dans la mythologie, via la poésie ou par des symboles pures et grandioses telle la colombe, allégorie de la paix. Nul étant qu’elles attirent les artistes joailliers dans leur recherche créative. Mais également, les oiseaux, par leur exquis panel de couleurs, permettent à ces dernier une grande possibilité d’expression. Entre les lignes, les formes, les tons ou les gestes, la diversité des espèces offre un champ d’interprétation infini.

UN PEU D’HISTOIRE

Dévoilant une esthétique exotique, les oiseaux commencent à susciter un fort intérêt entre le XIX et XX siècle. Ils attisent la curiosité et imprègnent les esprits par l’image des voyages et des aventures. Leur beauté pousse les joailliers à représenter des espèces étrangères comme la broche en forme de Plume de Paon de Mellerio. Dévoilée à l’Exposition Universelle de 1867 à Paris, le sujet de cette pièce d’exception était inédit pour l’époque. De même, leur pouvoir de séduction invite les artistes à concevoir de nouvelles créatures imaginaires.

Par ailleurs, l’Art Nouveau fut une période très féconde pour ce thème. Entre les lignes irrégulières et sinueuses ou la flamboyance des couleurs, une nouvelle esthétique se développe, visible par exemple dans les cygnes de René Lalique à l’élégance remarquable. Cette nouvelle esthétique se dirige au fil de la période vers des lignes plus géométriques, simplifiant les formes des bijoux d’époque. Inspirés par des ailleurs tel le Japon, de nouveaux oiseaux apparaissent dans la joaillerie française comme la grue, symbole de longévité au pays du soleil levant.

Le déclin de la période Art Déco à partir des années 30 impose un changement dans la mise en exergue des oiseaux joailliers. Les créations deviennent plus sculpturales et sont traitées en 3 dimensions. Le dynamisme est très recherché, contrastant avec la stylisation synthétique précédente. Enfin, à l’après-guerre, les joailliers se dirigent aussi vers des formes plus modernes aux lignes épurées, voire abstraites.

FOCUS SUR DIFFERENTS EMBLEMES

Au-delà de l’esthétisme, les oiseaux portent en eux nombreuses références culturelles, symboliques et politiques.

Par exemple, pendant la seconde guerre mondiale Jeanne Toussaint et Peter Lemarchand ont dessiné pour Cartier des oiseaux en cage. Cette création est une protestation contre l’occupation allemande. A la Libération, Boivin crée un coq qui devient la symbolique de l’indépendance française. Les « Lovebirds » de Van Cleef & Arpels célèbrent l’harmonie et la paix retrouvée dans les foyers après la guerre. De cette image, nombreux joailliers conçoivent alors des créations qui incarnent la liberté retrouvée. L’aigle, quant à lui, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours demeure lié au pouvoir.

Généralement porteurs de messages positifs, les oiseaux représentent souvent la joie, la paix (symbole de la colombe avec un rameau d’Oliver), la fidélité voire même l’amour (telles la colombe et la tourterelle).

 

La symbolique du paon est des plus flatteuses en Asie. Il est en Orient un signe de beauté et de noblesse, un oiseau cosmique en Inde. Son plumage rappelle également la magnificence de la séduction grâce à toute la splendeur de sa parade nuptiale. Ses couleurs, fabuleux mélange de bleu, de vert et d’or, l’ont conduit à symboliser le soleil. Complexe, il évoque également en occident la vanité, l’orgueil et le luxe. Assimilé à l’image de la femme fatale dans les arts du XIX siècle, sensualité, mystère, danger et exotisme sont alors à l’honneur.

Le colibri est l’oiseau par excellence de la joaillerie. Sa taille qui permet la miniature évoque la légèreté et la préciosité. Tout naturellement, il s’accorde aux codes joailliers grâce au panache de sa queue qui permet un large choix de pierres et de jeux de couleurs.

Les Oiseaux de Paradis dévoilent l’extravagance. Peuplant les contrées lointaines, ils fascinent les occidentaux et invitent les joailliers à rivaliser d’audace pour créer des plumages féeriques et flamboyants qui appellent à l’exotisme et au merveilleux.

Pour reprendre les thermes de l’École des Arts Joailliers, l’historien Jules Michelet publiant L’Oiseau rappelle le rôle de ce dernier dans la nature. « Au centre de cette harmonie, il est tout à la fois architecte, chanteur, éducateur et combattant. Il se veut ainsi le gardien des libertés ». Aussi, les joailliers, créateurs de rêve, de beauté et d’histoire, ne pouvaient que rendre hommage à sa splendeur et à sa grâce. Pari réussi.

Source : Paradis d’oiseaux, L’école des Arts Joailliers, Paris, 2019